Publié le 05/19/2016 - 12:23
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Ville de Funchal, île de Madère :
L’océan. Regard plein sud. Qu’est-ce que je fais, donc? Comment je peux être mélancolique ici? Sur une île paradisiaque. Logement, nourriture payés. Une famille d’inconnus qui m’accueille sans critique. Je comprends pas. Je me comprends pas. Je pourrais enlever mes écouteurs, aller parler à Filipe, l’accompagner chez ses amis, apprendre davantage le portugais, discuter avec son amie qui a l’air intéressée. Mais non, je reste assis sur mon brise-lame, je m’isole, je m’exclus, non? Tu t’exclus Yohann. De quoi t’as peur? Peur d’avouer que tu vis sur le bras d’une famille déjà nombreuse et qui survit avec des moyens limités. Toi, un petit chanceux de Nord-Américain. Peur de quoi? D’avouer que t’arrives pas à te trouver de job? Peur que la seule façon de te faire de l’argent s’est d’aller vendre de la drogue? Que tu contrôles même pas cet argent parce que c’est Felipe qui a les contacts. C’est lui qui négocie. Que tu sers de back-up au cas où ça tournerait mal. Que ton rôle s’est de fournir le cash down et de te battre. Te battre! Vendre de la drogue! C’est pas exactement ce que tu fuyais à Montréal? Ton but c’était pas de lâcher ce réseau de pusher et de thugs que tu critiquais? Tu fais quoi maintenant? Rien. Tu t’isoles. T’as peur de toi. T’as peur d’apprendre. T’as peur de tes réflexes. T’as peur de tes moyens limités. T’as peur du risque, mais tu fais juste ça prendre des risques. Fais-toi une couple de bruns et sacre ton camp. Va-t’en ou vis-le ton voyage! T’as le deux pieds dans ton rêve. Ton voyage. L’océan à portée, la forêt, des plages, le soleil, des vents et des courants du nord et du sud, des îles protégées, des bars, des clubs, des gens qui veulent bien te connaître, un ami qui veut bien t’aider. Vis-le ton voyage. Souris, cours, danse, saute, bois, fume, baise, vis! Vis, hostie, vis! Allez. Enlève tes écouteurs, va voir le monde derrière toi. Sors de ta bulle. Non? Tu n’y arrives pas? Pathétique, man, pathétique.