Publié le 05/19/2016 - 12:25
« Depuis quelques décennies déjà, dès l’aube des années soixante, marquées par l’expansion des moyens de communication, les continents eux-mêmes sont devenus des îles dans l’archipel qu’incarne dorénavant notre planète étroite et de plus en plus morcelée. Non pas au sens où ils constituent des isolats, fermés sur eux-mêmes et en retrait de tout – ce n’est là qu’un aspect, secondaire et dépassé, de ce qu’on appelle l’insularité –, mais au sens plus large et plus actuel où chaque lieu du monde est désormais transfrontalier. Il donne sur l’autre, au loin, au-delà, vers lequel on va, franchissant le vide pour y atteindre. L’expérience de passer, de traverser, de franchir des espaces et des temps considérables a largement supplanté, dans notre réalité géoculturelle l’action de s’installer, de fonder, de s’établir. Prendre la mer et prendre l’air sont devenus des gestes plus répandus et plus significatifs pour nous que prendre terre ou prendre sol. On ne cultive plus sa terre, on cultive les voyages, les déplacements de territoire en territoire, d’une île à l’autre de notre monde1 ».
- 1. Pierre Ouellet, L'esprit migrateur : essai sur le non-sens commun, Boucherville (Qc), Éd. Trait d'union & Le soi et l'autre, 2003, p. 119.