Des fragments et des synapses - D&G - rhizome

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Montréal, Québec, Canada :

… n'importe quel point d'un rhizome peut être connecté avec n'importe quel autre, et doit l'être1 ». et doit l’être… n’importe quel point d’un rhizome peut être connecté avec n’importe quel autre et doit l’être. J’avais pas l’impression que les rhizomes se reconnectaient entre eux. Ça rend la chose plus intéressante. Au fond, c’est vraiment comme des réseaux synaptiques, du moins, l’idée que je m’en fais. Le rhizome, en poussant, peut changer de direction s’il rencontre un obstacle. Il peut s’interrompre. Il peut se reconnecter et si on se fie à ce passage, il DOIT se reconnecter. Il peut aussi faire bulbe. Se mettre à grossir, intercepter d’autres segments, d’autres racines, puis se remettre à pousser. Je me souviens aussi qu’il pousse à l’horizontale… Un rhizome ne cesserait de connecter des chaînons sémiotiques, des organisations de pouvoir, des occurrences renvoyant aux arts, aux sciences, aux luttes sociales. Un chaînon sémiotique est comme un tubercule agglomérant des actes très divers, linguistiques, mais aussi perceptifs, mimiques, gestuels, cogitatifs : il n'y a pas de langue en soi, ni d'universalité du langage, mais un concours de dialectes, de patois, d'argots, de langues spéciales. Il n'y a pas de locuteur-auditeur idéal, pas plus que de communauté linguistique homogène. La langue est, selon une formule de Weinreich, « une réalité essentiellement hétérogène ». Il n'y a pas de langue-mère, mais prise de pouvoir par une langue dominante dans une multiplicité politique. La langue se stabilise autour d'une paroisse, d'un évêché, d'une capitale. Elle fait bulbe. Elle évolue par tiges et flux souterrains, le long des vallées fluviales, ou des lignes de chemin de fer, elle se déplace par taches d'huile. Le rhizome est comme la langue. Je suis un être de langage. J’évolue par taches d’huile. J’évolue rhizomatiquement.