Lettres de non-voyage

Auteur·e du carnet: 

Lettres de non-voyage I

Je n’ai pas de Credo. 

Contrairement à d’autres, je n’ai pas (encore) eu l’Expérience de transcendance, de transsubstantiation d’un rêve voulu vers un rêve vécu ; de transformation de l’avant à l’après. 

Pour cette première lettre, je vous offre des clés de lecture. Ce texte formateur, plus que fondateur est redevable d’une esthétique poisson-scorpion. Cette esthétique que j’appellerai antesthétique fera l’objet d’une lettre à venir. Avant d’aborder ou plutôt afin d’aborder le non-voyage qui n’est pas le contraire du voyage, peut-être simplement son reflet disfractionné, je désire définir trois termes phare qui nous guideront. Ces clés ouvriront certaines portes du sens pour mieux en verrouiller d’autres. Comme disait Voltaire, « définissez vos termes ».

Credo : acte fondateur rendu, rapatrié en récit transcendant. Acte performatif redevable d’une foi, de l’acte de foi (et donc en proie à un aveuglement). Dans le cas qui nous concerne, c’est l’Expérience dans son caractère idéalisé et protéiforme qui crée un récit marqué et nécessairement transformé par le voyage. Le Credo est ce récit ressassé, répété et adapté qui soupèse la conviction d’un ailleurs salvateur et qui vise l’autoréalisation de soi et l’admiration/estime de l’autre. Exemple d’applications possibles : « Pour moi, citoyen.ne du Monde, le Laos m’a beaucoup appris, il m’a appris le vivre ensemble ; Il m’accompagne à chaque pas de ma vie. » ou dans ses teintes les plus lyriques : « Salamanca, ville des possibles. Là où tu m’attendais à la tombée du jour, nimbé de mystères. »

L’autre, l’altérité : Qu’on se le dise : il y a surenchère du rêve dans le cadre de l’exercice de mise en commun voulu dans ce cours. Lors de ces Partages,  on surévaluera, on dépréciera son Expérience par la durée, la portée du rêve « réalisé » de l’autre. Un élément qui forge l’identité en négociation certaine dans ce cadre cursif.  Il y a que le voyage est la plus grande table de négoce identitaire possible. En quoi ? Le récit du voyageur, de la voyageuse n’est tenu au réel que par le vraisemblable (l’occurrence de quelques détails : ses origines, son passeport, etc.). Je postule, à tort certainement, le voyage fait seul. À deux ou plus, il devient complicité ou collusion et possiblement sujet à des tractations spéculatives ou à une chute identitaire en ses retranchements les plus fixés : le regard de l’autre issu d’un Avant.  Je traiterai de l’Expérience individuelle (du moins dans ses prémisses), props à nos sociétés individualistes. En s’offrant à la Rencontre, au nouveau cadre vient le choix du renouveau, de la mise en scène ou de la fidélité diégétique, mais dans les trois postures la fictionnalisation de soi s’opère inévitablement. ; bien le bonjour au récit de voyage. [À suivre …]