Des fragments et des synapses - Vol épiceries

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La « strip », Albufeira, Portugal :

Le pas lent. Comme si je n’avais pas déjà assez honte. Me faire arnaquer pour deux mois de salaire. Sans compter le pourboire qu’ils se mettaient dans le nez au lieu de le distribuer. Pas capable de partir de là quand je me suis rendu compte que c’étaient des drogués et des voleurs. Pas capable de réagir quand je les voyais se droguer devant leurs enfants. Mentir à leur femme. Frapper leurs chiens. Conduire saoul ou gelé même lorsque j’étais à bord de la voiture. De maigres critiques. Une passable véhémence. Rien de plus. Bon, c’est pas ma femme, c’est pas mon chien, c’est pas mon enfant. Mais, merde, c’est pas mes valeurs. J’étais le plus straight de ma gang. Toujours moins d’alcool, moins de drogues, pas de vandalisme. Ici, j’ai recommencé à fumer du hasch pour ne pas être mis à part. Ou, pour pouvoir me fermer les yeux. Oublier. Avoir une bonne raison de m’isoler. Ça aide pas la confiance par contre. Ça aide pas du tout. Trop buzzé pour leur tenir tête avec leur verve française. Dominé mentalement. Emmené dans les pires avenues. Bande de malades. Quelle vie ils ont vécue pour en arriver là. C’est ça l’Europe? C’est ça la France? C’est aussi pire que les rappeurs de mon adolescence le disaient? Et là, pire que tout, la honte putain, je dois voler dans les supermarchés pour manger. La honte.