Lettres de non-voyage IV

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Lettres de non-voyage IV

Le rêve est impensable sans la performativité du discours du Communitas (« Je reviens de Tanzanie. Tout est si tangible là-bas. La terre que tu remues, que tu sèmes donne de la vie. Les jours ne s’enfilent pas comme une fin de novembre québécoise. Je reviens ici pour prendre le pouls des choses. Mais j’ai besoin de respirer un peu, je repars la semaine prochaine »). Il aurait fallu appliquer une précision à ce terme entrevu dans notre formation. Victor Turner explicitait la nature de trois Communitas : existentielle, normative et idéologique. C’est de cette première, qu’il décrivait comme un espace éphémère d’intimité (togetherness) dans le sillon du rite de passage[1], que nous avons postulé un présent du Voyage, un espace momentané d’Êtres égaux dans l’Expérience. Le seul vestige de cette communauté de fortune est une nouvelle mouture du Communitas, cette fois normative, communauté d’un Après mis en récit tant dans le discours que dans la fiction du Partage à laquelle nous nous adonnons maintenant depuis plusieurs semaines. Ce Communitas normatif,  qui est la version cristallisée de son pendant existentiel, se légitime dans le Partage offert à d’autres membres de cette nouvelle communauté et, spécialement, à celles et ceux qui convoitent les plus hauts rangs de cette sous-société (de plus en plus) inégale. Le capital symbolique social est donc attribué au groupe qui a vécu ; la transaction du Rêve s’opère par la demande de celles et ceux qui le veulent. L’Avant se nourrie de l’Après. L’Ante comme le Post postulent l’extase du présent du Voyage, de l’Expérience, cet espace-temps insaisissable voulu par l’un, idéalisé par l’autre. L’Après n’existe plus que pour préparer le prochain Avant. Nous évoluons vers une parfaite circularité.

Bon. Faisons le point. Mon but était de nous faire réfléchir sur deux étapes complémentaires à ce rapport à l’Expérience (l’Ante – Post), en travaillant sur le grand absent ce fameux Pendant, ce présent de l’instant. Il aura été présent en sous-texte, il accompagnait chacune de ces entrées du Non-Voyage. Il est indéniable que cette Expérience du présent du Voyage est à jamais perdue. Lorsqu’éveillé dans nos récits, il n’est que l’ombre de lui-même. Pourquoi ? Oui vous me direz que le passé est un autre présent, d’accord. Le grave problème que j’entrevois, c’est l’Après, tel que je le vois consommé. Le Retour de la surenchère, le Retour du prestige de la sous-culture ne fait que mettre la table pour un système inégal et pour ma part inopérant. Car, en sous-texte nous partons tous pour connaître un ailleurs, un autre. Nous en avons beaucoup contre l’hypocrisie de notre société paternelle. Permettez-moi de savourer l’ironie quand trop nombreux, nombreuses d’entre nous se payons de notre interlocuteur en manque du Voyage; nous, nous avons vu. J’ai plus l’espace pour en traiter, mais cette dialectique (Avant-Après) donne la part belle à celle, à celui qui prépare un second, troisième… Avant. À ces membres du Communitas à l’identité enorgueillie qui porte la voix d’une révolte… mais quelle révolte ?

[À conclure]