Publié le 12/10/2016 - 18:56
Lettres de non-voyage II
Il y a que l’exercice du cours, et ce qui est porteur de magie très certainement, est d’opérer dans un sacrosaint Après ; de s’offrir la dernière négociation : le texte, le récit. Celui-ci ne s’apprécie non pas par sa véracité, mais bien par ses qualités littéraires intrinsèques et autosuffisantes. On fait (re-)vivre l’Expérience consciemment ou pas dans un cadre contingent : le cadre narratif, avec ses codes pragmatiques. Tenez-vous comme prévenus : la forme teinte le contenu. « Votre voyage » n’est déjà plus lorsque lu. L’autre qui démange vos jambes, pollue vos rêves, digne acteur de votre expérience, viendra démonter votre discours et mélire votre Credo.
Finalement, l’Expérience, concept simple à comprendre, plus complexe à expliciter dans cette visée, parce que foncièrement polysémique, reste convoitée dans l’Avant, climax lorsque vécu et posé en Credo dans l’après. Sans vouloir seulement paraphraser le contenu des premiers cours, l’étymologie de ce terme est encore productive. Elle postule un danger certain (ici aussi résonne l’écho du danger de l’acte d’écrire) et une récompense immense. Elle se pose en transcendance (et ce de façon très implicite) lorsqu’elle atteint une surévaluation sociale (celle et ceux qui forment la communauté de l’Après) et spirituelle (impact sur le récit de soi (identité) relaté et protéiforme dans l’Après). Elle est le passage d’une prospection en cours de réalisation ; le rêve souhaité devient le rêve vécu. Or ce qui m’intéresse est ce vécu onirique, ses frontières. À l’instar de l’Avant, il semble bien plus redevable de notre prédisposition, de notre réceptivité qu’on ne voudrait le faire croire. L’Expérience est intersubjective en ce qu’elle se crée par la mise en commun de l’autre rencontré, l’autre-nouveau et son cadre et, par à-coup, de l’identité remodelée.
Il importe de démanteler chaque atome, parcelle de l’édicule du Voyage. Il faut le déconstruire pour le comprendre, oui, mais surtout pour l’ingérer et le réinterpréter ailleurs…
[À poursuivre…]