Publié le 05/19/2016 - 12:25
« L’homme vit dans un no man’s land de l’éviction ou de l’expulsion et des entraves de toutes sortes à sa liberté de mouvement, privé d’espace et de temps – d’espace libre et de temps libre – où son humanité pourrait enfin s’exprimer. Les paroles et les voix marquées à jamais par cette expérience humaine de l’exclusion et de la réclusion, de l’exil et de l’asile forcés, rappellent le drame qu’est pour tout homme la privation de son droit au “lieu” et d’en changer, mais elles disent aussi, dans un renversement des valeurs à quoi l’histoire elle-même et ses territoires éclatés nous contraignent désormais, que le déplacement de notre humanité, de lieux en lieux que la langue et le regard explorent sans relâche, peut être la chance inespérée d’une nouvelle définition de l’homme, qui ne se reconnait plus dans le territoire qu’il "occupe" mais dans l’espace-temps qu’il "libère" par sa parole et ses images, où il se raconte et s’illustre en dehors de toute enclave et de toute frontière, dans les zones franches de l’imagination la plus libre et de la mémoire créatrice1 ».
- 1. Pierre Ouellet, L'esprit migrateur : essai sur le non-sens commun, Boucherville (Qc), Éd. Trait d'union & Le soi et l'autre, 2003, p. 9