Publié le 03/31/2016 - 19:19
Je n’ai jamais autant rêvé de voir ce pays dont tu ne cesses de me parler, cette Inde, véritable sous-continent, que tu parcours pour apprendre à danser, à jouer de la musique, pour écrire des histoires.
Voyager avec toi dans le sud de l’Inde, où tu apprends le barathanatyam auprès d’une guru qui t’enseigne sans autres mots que ceux du corps.
M’immerger avec toi dans un climat d’injustice où être une femme peut être un si grand péril, où les Dalits, ces «sans castes», sont considérés comme des moins que rien. Comprendre la frustration et l’angoisse que cela fait naître chez toi, ressentir la grande solitude qui en découle parfois.
M’imprégner d’une culture, à petites doses, par tes gestes et tes pas, d’une mythologie hindoue riche en histoires, comme celle de Krishna qui tisse du haut du ciel un vêtement infini à la sublime Draupadi que ses ennemis outragent.
Voyager avec toi dans le nord de l’Inde au son du santoor et du khyal, à travers les mantras que tu chantes à différents moments de la journée.
Parcourir les contreforts de l’Himalaya, avec ou sans Wi-Fi, loger dans des Airbnb d’où l’on te chasse quand il y a un mariage, traverser le pays en train, en profiter pour écrire.
Être dépaysé par tant d’odeurs nouvelles, par tant de couleurs vives. Compatir pour ton corps souffrant, frappé par une maladie exotique.
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Depuis quelques années, je ne vois plus le Japon de la même manière. Quand je regarde un film et que l’action se déroule à Tokyo, je revois les photos que tu as rapportées, je repense aux endroits dont tu m’as parlé.
Tu as passé trois ans à l’autre extrémité du globe, trois années au cours desquelles tu m’as permis de voyager avec toi.
Aux moments où nous nous rencontrions sur Internet, à des heures totalement opposées, nous nous connections à Skype. Ce qui te permettait de me faire visiter ta grande maison japonaise avec ses shojis et ses tatamis. Tu en profitais pour me présenter tes amis et tes colocataires qui me gratifiaient d’un : « Moshi ! Moshi ! » jovial.
Je me souviens évidemment de Keisuke, le colocataire nippon qui t’a tombé dans l’œil et que tu emmenais quand tu revenais voir tes amis au Canada. Le soir, nous sortions et nous avions de longues discussions que tu devais traduire. Puis, nous clamions joyeusement : « Kampaï ! » au moment de boire nos verres.
Aujourd’hui, quand je pense au Japon, il m’arrive d’avoir l’impression d’y être un peu allée moi aussi.
Photo : Creative Commons