Publié le 02/19/2016 - 14:19
Auteur·e du carnet:
Les derniers jours m’ont beaucoup fait réfléchir à la notion de déplacement et d’immobilité, qui caractérisent à leur façon l’esprit du voyage. La tempête démesurée qui a assailli l’Outaouais mardi et la condition d’hivernèrent obligée qui s’en est suivie m’a plongé dans une torpeur que j’avais oubliée, l’hiver.
C’est une saison magnifique, parce qu’elle nous fait voir et vivre la nature sous un tout autre angle que la belle saison. Mais également par l’effet de repli qu’elle engage. Cette solitude est toujours bienvenue, car je n’ai pas, dans ces moments froids et sombres, l’impression que je manque quelque chose, qu’il y aurait d’autres possibilités de socialité plus intéressantes. Non, tout le monde doit subir ce climat et les conditions sociales qu’il engage. Mais je semble m’éloigner de mon propos. Ou peut-être pas, enfin. J’écris ce billet dans le train qui m’amène à Montréal. La transition entre l’Outaouais (où il est tombé 53 cm de neige, il faut quand même le préciser) et la région montréalaise (où il y a plutôt eu du verglas) est fascinante. Stupéfiante en fait par sa beauté, comme lors du verglas de 98.
Mais ce parcours me rappelle que je suis, toutes les semaines, comme un voyageur nomade qui revient à son terrain de chasse, là où il trouvera sa nourriture, là où il sait qu’il pourra être sustenté. Car c’est la définition du nomade; quelqu’un qui se déplace de façon cyclique de lieu en lieu afin de répondre à ses besoins vitaux. Sauf que dans mon cas, cette nourriture est plutôt sociale et spirituelle. D’une part, car je revois de vieux amis, mais d’autre part, car j’assiste à ce séminaire hors du commun. J’apprends à vraiment apprécier les «littéraires» et même les aimer. À cause de leur vérité, leur ouverture, leur authenticité. C’est un art qui me rappelle faire de la musique. Dans la mesure où il est également impossible de se cacher; car ça sonnerait faux. Il y a, dans ces deux cas, une immédiacité dans la façon de toucher ou non son public.
Sédentaire
Plutôt cette semaine, j’ai été un sédentaire. Reclus à la maison à nourrir le poêle à bois, à lire, scénariser et rédiger pour mon blogue personnel. Cette intense période de 3 jours de rédaction où je n’ai pratiquement pas eu de contact avec aucun autre être humain m’a fait vivre un voyage interne. À l’image de la saison froide où la nature s’emploie à concentrer ses énergies de façon centripète 1 en attente de l’été pour déployer toute sa vitalité en énergie centrifuge; vers l’extérieur. J’ai eu besoin de ce mouvement «intérieur».
En ce jeudi je suis en mouvement physique, en collectivité, avec mon chapeau de nomade en direction de Montréal. Le déplacement est tout autre, mais je réalise qu’il fait partie d’un tout inséparable. Au même titre que l’hiver a besoin de l’été, que la parole a besoin de silence et que le mouvement a besoin d’immobilité.
En fait, ce que je veux dire, c’est que ma création a besoin de disponibilité.
- 1. Klee, Paul, Pfenninger Margaret, Hirner Claire, 2004. Paul Klee et la nature de l'art : une dévotion aux petites choses, Paris.