La visite de l’œuvre et le concerto d’Elgar pour violoncelle et orchestre

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Et voilà. Je suis assise dans la salle de concert. J’écoute attentivement le concert qui se déroule devant moi. L’orchestre entame son introduction, suivi du soliste qui fait sonner son violoncelle au-dessus de l’ensemble. Le violoncelliste se fait une place ; ses pianos deviennent fortes, histoire de s’établir en tant que maître envers la masse sonore qui est l’orchestre. Les vagues de sons tellement bien préparées, les crescendos, les decrescendos, le tout comme si c’était la première exécution de l’œuvre…

Le concerto d’Elgar pour violoncelle et orchestre est joué si régulièrement par les grands solistes accompagnés par les orchestres ; œuvre qui naît dans le répertoire des élèves avancés du conservatoire et des programmes universitaires et qui vit tout au long de la vie artistique du violoncelliste. Comme le pinceau du peintre, cette œuvre reste au centre du répertoire du violoncelle et ce à travers le cheminement entier du musicien.

De retour au moment présent. J’écoute, je ressens et je vis le son. Comme si c’était la toute première fois que j’entends ce concerto. Certes, le public averti a probablement entendu ce concerto des centaines de fois. Mais à chaque représentation de cette œuvre, l’auditeur revit l’histoire musicale. La partition du concerto a besoin du musicien pour la faire respirer, la faire vivre. Ce chef-d’œuvre du répertoire de violoncelle, cette œuvre de trois mouvements fait régulièrement vivre des émotions fortes au public qui y tend l’oreille.

Mon questionnement est relié à la réception de la pièce. En tant que visiteur d’œuvres et de passager musical, l’auditeur subit ses propres émotions envers ce concerto à chaque fois qu’il l’entend. Les émotions ressenties diffèrent-elle grandement d’une écoute à l’autre ? Lors de la toute première écoute de cette œuvre, lors de la découverte de celle-ci, qu’elles sont les émotions ressenties ? Sont-elles les mêmes qu’après une centaine d’écoutes? Les solistes et l’orchestre changent de fois en fois et donc l’interprétation musicale y est  modifiée. Par extension l’auditeur diffère aussi et donc la réception de l’œuvre se fait changeante de fois en fois. De plus, la salle de concert y ajoute une différence par son acoustique, son allure et son charme et donc ajoute une dimension toute particulière à la réception sonore.

Ce qui me perturbe particulièrement est l’absorption personnelle de cette œuvre et l’appropriation de ce concerto dans nos mémoires sonores personnelles. Le concerto d’Elgar prend-t-il plusieurs sens ou personnalités au cours de nos vies en tant qu’auditeur ? Malgré tous ces questionnements, le noyau du concerto d’Elgar reste le même. Un concerto riche en dynamiques qui livre un message musical puissant. Historiquement prospère (tant que par sa composition que par les illustres interprètes qui y ont laissé leurs marques) la réception de ce concerto est garantie de faire vivre des émotions fortes à quiconque qui embarque sur ce voyage musical.

Réflexion suivant le concert de Sergey Lazarev, violoncelliste et l’orchestre philharmonique de Moscou au Conservatoire Tchaïkovski, Moscou, Russie. Octobre 2016

Photographie personnelle prise lors d'une répétition orchestale au théâtre du Bolshoi, Moscou, Russie. Octobre 2016