En toute simplicité...

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Autant emporté par le vent 1

À la fin de mon trajet de 11h sur une banquette de troisième classe d’un train thaïlandais, j’avais mal au dos, mal aux fesses et mal aux jambes. Je venais pourtant de vivre un des meilleurs moments de mon voyage.

L’avantage de voyager en troisième classe, c’est qu’il n’y a pas d’air climatisé. Les fenêtres s’ouvrent. Ce petit détail fait toute la différence. Plutôt que d’en être prisonnier, le train m’a partagé chaque endroit où nous passions. La fenêtre baissée, le vent fouettant mon visage, les bruits assaillant mes oreilles et les odeurs parvenant à mes narines, je ne me suis rarement senti aussi vivant. Propulsé à travers ce pays inconnu, il me parvenait par cette ouverture d’un mètre carré.

Au départ, nous avons mis plus d’une heure seulement pour sortir de Bangkok. Toutes ces banlieues que bien peu de touristes visitent, hormis de leur fenêtre de train. Pourtant, ces endroits semblent si riches de vie. Enfin sortis, nous avons pris de la vitesse. Le temps a disparu, il ne restait que le tourbillon de sensations que la fenêtre me crachait dessus de toutes ses forces. Dans les virages, j’entendais la locomotive rager afin de garder cette cadence envoûtante. Je n’étais qu’un avec ce mastodonte d’acier dévorant la nuit avec furie. Je bue ainsi la nuit thaïlandaise à en être saoul.

Est malheureusement arrivé le moment où j’ai dû revenir sur terre, dans ce wagon de troisième classe. La nuit s’annonçait pénible et elle le fut. N’empêche que pour mon prochain trajet en train, je n’hésiterai pas et choisirai de pouvoir ouvrir ma fenêtre!

 

Une journée surprenante

Étant déjà rassasié de café et plats locaux, je vagabondais dans les rues d'Ipoh en Malaisie. À la recherche de rien en particulier, simplement ce que cette ville avait à offrir. Au détour d'un coin de rue, un bar est fermé pour la journée. Les portes sont closes et les volets tirés. Sur une des portes est peinturé un texte simple et magnifique. Est-ce un signe? Est-ce que je crois aux signes? Il m'apparaît plutôt simplement comme une offrande à un voyageur perdu pour mieux se retrouver.

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IMG_20150518_143714.jpg, par Vincent Bussières

J'ai appris que l'amour peut arriver par surprise ou mourir en une nuit. Que de grands amis peuvent devenir de parfaits inconnus, et qu'au contraire, un parfait inconnu peut devenir un "ami pour la vie". Que le "jamais plus" n'arrive jamais et que le "pour toujours" a une fin. Que celui qui veut peut y arriver. Que celui qui prend des risques ne perd jamais, que celui qui ne risque rien ne gagne rien. Nier les choses les plus évidentes ne sert à rien. Avoir mal est innévitable, mais souffrir est une option. Surtout, j'ai appris que le bonheur ne dépend pas tant de ce qui t'entoure mais de ta paix intérieure.

 

Un retour inspirant

Les voyages sont sans contredit des concentrés d'expériences et d'apprentissages, un partage que le pays hôte offre aux voyageurs à l'écoute. La semaine dernière, un courriel, le retour aux souvenirs, l'excitation de partager à mon tour. Un retour aux sources au Cégep où j'ai usé mes premiers rêves, un retour aux souvenirs pour parler international à des groupes d'étudiants, un retour au rêve de partager. Voyager au Saguenay pour voyager dans mes voyages et inviter au voyage. Une expérience unique qui nourrie le désir de repartir encore. Vite, mon sac, mon passeport, mon coeur et des mots!

 

Écris sur ce que tu connais

Conseil vieux comme le monde donné à tous les écrivains, il donne tout son sens au voyage. Poussé à l'apprentissage, le voyageur accède à plus d'émotions, de mots et d'écriture. Car pour écrire son monde, il faut le connaître.

 

Une beauté vide

Le touriste aime voir alors que le voyageur veut vivre. Que se passe-t-il lorsque ce dernier se retrouve dans une ville historique devenue une géante boutique aux lanternes rouges?

Hoi An, comme tu devais être jolie avant d'être ravagée par toutes ces boutiques dans ton coeur historique. Comme ce devait être charmant d'habiter ces vieilles maisons de bois, d'y vivre en commerçant avec les voisins lorsqu'ils n'étaient pas occupés à boire le thé ou le café sur de petits tabourets au bord de la rue pavée de pierres. Chaque fois qu'un de tes habitants traversait le pont couvert japonais, il pensait à l'ami qui l'attendait plus loin ou au premier baiser échangé sous ce décor sublime. Hoi An, tu étais une ville pas comme les autres, carrefour impérial puis commercial, mais maintenant touristique. Ta beauté et ta noblesse t'ont valu d'être reconnue comme faisant part du patrimoine mondial, c'était la fin. Hormis quelques bâtiments transformés en musées, chaque espace en ton coeur est devenu un objectif à profit. Magasin après magasin après restaurant après magasin, il y a de tout, hormis ceux qui te faisaient vivre avant que les touristes n'arrivent. Il est impossible de compter le nombre d'endroits offrant des copies de North Face, un Happy Hour, de la pizza ou des bébelles provenant probablement de Chine, mais il est facile de compter ce qu'il reste de toi: que des murs, des toits et une architecture unique au Vietnam. Tes habitants sont engagés dans la course à l'argent avec comme principale cible les touristes, ceux-ci s'y prennent au jeu et assassinent le peu qu'il reste de toi à coup de chapeau en papier et de Gore-Tex qui prend l'eau. Au moins il te reste les lanternes traditionnelles pour éclairer cette nuit qui semble s'installer pour l'éternité.

 

Destinataire introuvable

Chère Pakse,

Tu as bien changée depuis notre dernière rencontre il y a de cela à peine trois ans. Tu étais calme, réservée et souriante. Aujourd'hui, j'ai de la difficulté à te reconnaître. Les rues qui te composent ne sont plus les mêmes, les gens qui t'habitent sont différents maintenant. D'où proviennent toutes ces banques, guichets automatiques et bureaux de change? Ces boutiques de téléphones intelligents et d'esthétique n'existaient pas, tout comme ces restaurants indiens. Tant de motos et surtout tant de voitures dans tes rues autrefois paisibles où l'on pouvait sentir le parfum de tes arbres en fleur. Où sont passées la gêne, la curiosité et la politesse de tes habitants? Je m'étais habitué à t'entendre me dire sabaidee, m'accueillant ainsi selon ta tradition.

J'ai maintenant l'impression d'être un fantôme, de ne plus avoir d'importance, que plus personne n'a d'importance. J'ai eu droit à quelques hello, signe de ton ouverture sur le monde. Un enfant souriant m'a dit fuck you, comme quoi ce ne sont pas que de bonnes choses qui soient entrées. Comme ces jeunes femmes en jeans moulants avec de fausses sacoches Chanel. Comme ces hommes en t-shirt My Chemical Romance avec une casquette Monster. Comme ce plastique jonchant tes rues autrefois propres.

Toutes ces transformations que tu vies, ils appellent ça le développement, le progrès. Tel un adolescent qui pousse tout croche, perd la voix un instant et ne sait quoi faire de poils mous et gênants, tu es en transition. Personne ne sait où tu te diriges, s'il te plaît n'oublie pas que l'essentiel est d'être heureux. Souviens-toi, le bonheur ne s'achète pas, il se vit, tu me la appris il y a de cela à peine trois ans.

Avec mes sentiments les plus distingués,

Vincent