Publié le 10/25/2016 - 10:12
Image : Alexandros Tzortzis (Ouidah, Bénin, février 2014)
Je ne veux pas filmer je veux me rappeler
L’air plein de l’attente
Le rire des femmes qui arrivent
L’odeur de la fête la joie sans blindage
Je ne veux pas filmer comme des étrangers parvenus à se mêler à la foule à temps
Je ne veux pas être un visage pâle devant un écran de téléphone intelligent
Une emplette
Un crochet
Un jeu
Je ne veux pas figer je veux me souvenir la lascivité des épaules et le déglinguage des pagnes dans le casse-tête du soir
Je veux me rappeler les pieds nus et les hurlements de bête
Les cercles de poussière aux chevilles
Je veux me rappeler tout sauf la civilité.
Je ne veux rien assaisonner avec mes doigts je veux me rappeler le sucre dans le café de l’ambiance
et le lait déjà condensé
des chants
Je ne veux pas filmer je veux me rappeler le débridage et la liesse
Les croisements de coquillages dans le dos
la transpiration comme un bijou
les codes secrets des mâchoires et le fond des cris et la chorégraphie invisible pour ceux qui seraient en train de filmer je ne veux pas filmer je ne veux pas m’asseoir sur une chaise je veux que mes fesses soient sales de vous que mes cheveux s’entremêlent
Mes nœuds mes taches pour toute preuve quand dans deux ans je transcrirai la danse des femmes de Ouidah dans mon ordinateur portable à Montréal
Je collerai mon carnet contre mes seins les pages me tomberont dans le coeur j'aurai même pas besoin de réfléchir les échos couleront de mes doigts mon corps sera la plus grande
Pellicule