Écrire pour (é)changer

Auteur·e du carnet: 

Écrire.

Pour qui ? Pour quoi ?

En répondant à ces deux questions, on détermine l’orientation d’un récit. Parce qu’un écrivain qui écrit pour être lu est avant tout conscient de son auditoire. On n’écrit pas de la même façon lorsqu’on s’adresse à un public jeune ou adulte, à un grand public ou un public averti, à sa mère ou à son directeur d’études. Le vocabulaire diffère, le souci du détail diffère, les thématiques abordées diffèrent. Il est important de prendre en considération les attentes du lecteur visé. Parce que l’œuvre produite dépend aussi de lui.

L’objectif d’un écrit conditionne fortement celui-ci. On n’insiste pas sur les mêmes éléments quand on veut raconter, quand on veut convaincre, quand on veut émerveiller ou quand on veut attaquer. Un texte à visée esthétique sera travaillé sur la beauté du vocabulaire, son pouvoir évocateur. Un texte argumentatif se concentrera sur la progression du raisonnement, sur la pertinence des preuves.

Aussi essentielles soient-elles, ces questions ne sont pas toujours les premières que l’on se pose quand on écrit. À tort ? Probablement. Mais souvent, le récit vient avant toute réflexion et l’écrivain se laisse entraîner par celui-ci, ignorant où sa plume le mènera. Ce n’est que lorsque tout est sorti, toute la matière brute, qu’il prend du recul et s’interroge. S’il s’interroge.

Cette réflexion, je l’ai eue à un niveau plus théorique lorsque j’ai choisi ce cours. Parce qu’il y a des récits que je crois écrire pour moi seul. Parce que parfois, c’est un effet cathartique que je recherche et non un partage quelconque ou un échange avec un lecteur tiers. Et parce que ce genre de réflexion trottait dans ma tête, la question de la pertinence d’un tel atelier s’est posée. Pourquoi le suivre si je n’écris que pour moi ? Ai-je besoin de l’avis, des commentaires des autres, si mon écriture n’a pour but que de m’aider moi-même à y voir plus clair ? Je me suis rendu compte que mes écrits « personnels » ne demandaient qu’à être partagés, que je suis toujours en quête d’approbation, de commentaires pour m’aider à progresser. Parce qu’il ne s’agit pas juste du contenu de ces textes, mais de l’écriture en général. J’ai besoin de me rassurer, de me dire que j’ai fait le bon choix en m’engageant sur cette voie, que j’ai au moins un fragment de talent. Comme un musicien qui compose et qui va mettre ses nouvelles créations à l’épreuve de son public, j’ai besoin de voir l’effet que mes mots produisent, j’ai besoin de sentir leur force dans les émotions des gens qui me lisent.

Je ne crois pas qu’il existe d’écrits « personnels ». Du moins, dans une version raisonnablement « finale ». L’écrivain, perfectionniste, aura toujours quelque chose à redire de ses créations. Mais j’exclus par-là toutes les versions brouillonnes, tous les premiers jets raturés – bien qu’ils soient également source d’intérêt pour nombre de chercheurs – pour me concentrer sur des récits « finis ». Ces écrits qu’ils soient publiés ou non, lus ou non, partagés ou non, sont autant d’actes d’échange. Parce que toute création, même fragmentaire, est un acte d’échange. L’acte d’écriture en lui-même est un acte d’échange. Seules la forme et la qualité de réception changent.