Publié le 10/16/2016 - 15:20
Source de l'image : Auteur inconnu, photographie libre de droits, disponible au https://pixabay.com/fr/branches-for%C3%AAt-noir-et-blanc-1375655/
Samedi 15 octobre 2016. Je marche seul en forêt depuis une bonne demi-heure, quand je m’arrête, spontanément, devant un grand rocher recouvert d’une épaisseur de feuilles mortes. Je m’y assois d’abord, puis, surpris du confort offert par cet humus en devenir, je m’y affale avec abandon comme dans un lit. Poussé par je ne sais quelle intuition, je recule ma tête jusqu’au bout du rocher, jusqu’à pouvoir la laisser tomber dans le vide, vers l’arrière, comme le font naturellement les enfants, assis sur la balançoire. Je regarde la forêt se suspendre, flotter au-dessus de ma tête. J'écris mentalement.
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Le renversement
est un voyage au pôle nul.
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(Re)charge
(Dé)charge
Attrape au sol
l'énergie qui s'envole
avec les oies
de branchages
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Sur les battures de l’oxygène
le regard vague
trouble le calme
la mer d’huile
de l’habitude
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Ren versement
Dé Monte
Le haut et le bas
le meuble Ikéa
des vies à 21 morceaux
6 planches 12 gougeons 3 tablettes en mélamine Sans oublier les 32 vis
La tête en bas (dé)visse les ressorts de la raison de la science exacte
ouvre à grands coups d’exacto des pans de ciel nus
défie la droiture la rectitude la mesure le mètre
des arpenteurs-géo(maîtres) des contre (maîtres)
qui écœurent à l’équerre
le monde qui palpite
sans comprendre sans savoir
qu’ils ne parviendront jamais à mettre à niveau à discipliner dompter
l’horizon
maculé des traces de mes pieds
***
R(envers)ement
L’être désormais
se sait corps flottant
enfarge sa géographie
dans les fleurs de la poésie
***
Ma tête ren(versée)
boule(versée)
éclate sur le plancher
explose en mille et un fragments
d'évidences
qui montent
(re)montent
vers le fond du puits
***
Le nez dans les airs
les yeux couchés
lovés comme des fauves
dans la chaleur orangée
des feuilles mortes
(Re) sentir
le haut le bas le dedans le dehors le solide le liquide
l'air
Apercevoir la terre la voir s'avancer s’approcher
atterrir s’aplatir s'arrondir s'entremêler s'emboiter
reprendre repousser germer
au creux de moi
***
[géotropisme : Orientation de croissance imposée aux organes végétatifs des plantes (racine et tige) par les champs de gravitation, en particulier par la pesanteur] 1
En particulier par la pesanteur du ciel qui me pèse de ses tonnes de légèreté,
me parcoure s’enracine me délite
délicatement la gorge s'enfonce à pas feutrés dans
mes poumons mes bronches
alvéoles gorgées
de miel de boue puante pollinisées de
feuilles pourries d'odeurs de musc d’épices
de partitions de (dé) composition
d’hymne à l’humus
qui embaume l'habitude
porte à son dernier repos
la triste tradition humaine
de ne mourir qu'une seule fois.
***
Ma tête s’ancre dans le sol
se [re] pose
consentit
aux rhizomes aériens
portés par la brise
qui m’envahissent
m’ouvrent grand le corps
De leurs pinces de
dés[incarcération]
étendent leurs tracés
jusque dans ma cage
thoracique
où rugit ma chair
animale
prisonnière des barreaux
du poids
de la pesanteur
de l’ordre des choses qui
toujours
se doivent d’être
à l'endroit ou à l'envers
envers
et contre nous.
***
[phototropisme Mouvement de croissance des tiges et des racines, provoqué par une répartition anisotropique de la lumière. (Si l'organe s'oriente en direction de la lumière, son phototropisme est dit positif [tiges, hampes florales] ; en sens opposé, il est dit négatif [racines].] 2.
La tête renversée
Je m’enfonce jusqu’aux chevilles patauge dans les flaques
de lumière qui nourrit je m’enterre le cœur
sous un amas de transparence comme un enfant dont seul le petit
nez
froid rouge engourdi point encore libre fébrile
reniflant vibrant seul au milieu d’un tombeau de feuilles
mortes
***
(Renversement)
Les feuilles se détachent du plancher
s'envolent vers le fond du bocal
Le doute s’introduit subvertit
l'inhumaine certitude
***
Les branches enfoncées dans les profondeurs de l’horizon
comme les racines des grands arbres dans la terre
gardent l'univers en place
tiennent le vide en respect
empêchent le ciel de se dérober sous nos pieds
dans un glissement
d'horizon.
- 1. Larousse, Dictionnaire en ligne, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/g%C3%A9otropisme/36743, consulté le 16 octobre 2016.
- 2. Larousse, dictionnaire en ligne, au http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/phototropisme/60524?q=phototropisme#60149, consulté le 16 octobre 2016