No. 3 / de l'importance de l'inutile

Auteur·e du carnet: 

photo: Florence Tétreault

Souvent, je ne roule en vélo qu’en direction de. Je fais des choix cohérents pour arriver à un but, parce que c’est tellement tellement important de se réaliser. J’essaie de me situer dans un axe de trajectoire générale, j’élimine le superflus et j’avance.

J’en suis arrivée à croire que sortir de l’utile est une entrée à la création. Si je monte ces trois escaliers sur un pied seulement, si je teste tous les bancs publics de ma rue ou si nous partons pour ne rien faire à l’autre bout du monde, nous créons des espaces de vide dans lesquels jouer.

Je n’aime pas cette idée de déambuler seulement dans le but d’écrire, de voyager pour un roman, un recueil. Car enfin, cela redonne un but utile à l’espace traversé. Je pense qu’il faut être saisi dans l’action sans importance, que cela est éminemment fécond de récits et d’aventures. Si rien ne naît, ce n’est pas vraiment grave non plus.

Si l’inutile mène à la création, je n’ose pas croire que la création elle-même se doit d’être inutile. Les deux concepts sont à l’opposé l’un de l’autre, mais la précision doit être faite. Dans l’inutile, je trouve les conditions d’émergence à mon énonciation, mais c’est justement dans cet espace que l’inutile vécu devient une énonciation utile dans l’espace littéraire.

 

Aujourd’hui, je me donne comme défi de prendre un autre chemin pour rentrer chez moi.