Publié le 02/04/2016 - 15:36
Auteur·e du carnet:
Depuis un peu plus de deux ans, j'ai deux maisons. J'ai deux "chez moi". Mon identité n'a jamais été aussi incertaine.
L'expatriation, c'est comme un très long voyage. J'ai vécu aussi un rite de passage, j'ai été dans un état liminaire qui a duré plusieurs mois : il a fallu que je m'adapte à mon nouveau pays tout en restant qui j'étais vraiment. Quand je suis rentrée en France pour la première fois depuis mon départ au Québec, j'ai subi un choc émotionnel provoqué par la traversée des fuseaux horaires. A Montréal, j'étais hors du temps. Sept heures après, j'étais de nouveau dans la vraie vie avec tout ce que cela impliquait, comme les souvenirs brûlants et ceux plus froids qui m'agressaient l’épiderme, comme ce qui se dégage d’une rue silencieuse, la plus familière de toutes et pourtant la plus pesante.
Un soir sur deux, je me disais que je ne voulais plus repartir, que j’avais enfin retrouvée ma place. Les autres soirs, j’avais hâte de retourner à Montréal. Avec ce retour en arrière, mon cerveau avait subi une violente dichotomie : de l’auto-maltraitance, voilà ce que c’était. J’avais remis les pieds dans mon passé, et c’était comme si mon présent n’avait pas pris l’avion le même jour que moi.
Quand je suis retournée à Montréal à l'issue de mes vacances, j'étais tout aussi perdue. J'étais complètement seule alors que quelques heures auparavant, j’étais enveloppée dans une couverture près de ma grande sœur qui me murmurait des mots tendres. C’était sa façon à elle de me dire "au-revoir". Ce jour-là, j’ai su que voyager était l’une des choses les plus enrichissantes que j’avais vécues, mais que la beauté d’un voyage résidait aussi dans le bonheur de rentrer enfin chez soi.
Aujourd'hui, si je vis mieux les vols transatlantiques, c'est parce que je sais que peu importe la direction, j'ai toujours l'impression de rentrer à la maison.