Devant le poêle à bois

Auteur·e du carnet: 

Vingt heures quinze, à l’exception du feu qui ronronne dans le poêle à bois et de trois chandelles dont la flamme vacille à quelques centimètres de mon carnet, l’intérieur de la cabane est plongé dans l’obscurité. Assise près de la bête au ventre de métal crépitant que je ne cesse de nourrir pour échapper au froid, j’entreprends l’écriture de cette première journée de voyage.

Je n’arrive pas à me souvenir du moment où la voiture est passée de l’autoroute aux petits chemins de terre. Je devais suivre les indications de mon GPS, sur pilote automatique, en fredonnant les paroles d’une chanson qui jouait à la radio. J’ai roulé pendant plusieurs kilomètres sur ces routes de campagne avant de me souvenir qu’il me fallait arrêter dans une épicerie pour acheter de quoi me sustenter pendant ces trois jours où j’allais vivre dans une cabane dans un arbre, sans autre compagnie qu’un poêle à bois, quelques livres et, bien évidemment, des raquettes ! Depuis le moment où cette idée m’était venue, je ne cessais de me répéter les mots de Sylvain Tesson : « « Une fuite, la vie dans les bois ? La fuite est le nom que les gens ensablés dans les fondrières de l’habitude donnent à l’élan vital. Un jeu ? assurément ! Comment appeler autrement un séjour de réclusion volontaire sur un rivage forestier avec une caisse de livres et des raquettes à neige ? » Ces paroles étaient devenues un mantra dont la récurrence me réchauffait le cœur comme le fait le thé brûlant que je bois à petites gorgées en noircissant la première page de ce calepin. 

Photo : Geneviève Sabourin