Publié le 02/02/2016 - 12:16
Je pensais beaucoup dernièrement à la méthode artographique, à cette possibilité très enthousiasmante de faire avancer une théorie, d'en établir de nouveaux cadres, au vu de l'expérience que chacun apporte. Je réfléchissais parallèlement au risque de dispersion, celui d'une théorie qui partirait dans tous les sens et que ne trouverait finalement pas son centre.
Selon Rita L. Irwin, «a/r/tographical practices are not comfortable habits but rather the challenging practices of learning to question differences and perceive differently in and through time» (p.3). Être artographe est donc un défi. Parmi les difficultés que soulève cette méthode, il y a la recherche d'un équilibre entre ses trois pôles, à savoir l'art, la recherche et la transmission. Doivent-ils avoir une part équivalente? Est-on un artographe complet quand l'un d'entre eux se retrouve privilégié ou mis de côté au détriment des autres? Il y a certes une continuité entre les trois, puisque «knowing (theoria), doing (parxis) (and) making (poiesis)» se complètent, cependant, ils ont été dans les faits souvent segmentés entre individus et on ne peut exceller de la même manière dans les trois. Considérant cela, peut-on voir dans l'arthographie un espace de rencontre entre artistes, chercheurs, professeurs, mais aussi entre artistes-chercheurs, artistes-professeurs, artistes-professeurs-chercheurs, etc. ? On pourrait alors considérer comme artographes ceux qui désirent participer à un tel projet.
«A/r/tography allows artistic and educational practices to inform, contradict and complement on another» (p. 7); il ne s'agit donc pas d'un processus lisse: de la rencontre de nos idées, qu'elles aillent dans le même sens ou qu'elles se confrontent, naîtra forcément quelque chose qui enrichira la théorie des récits de voyage, j'en suis persuadé. Quant au risque de dispersion, je pense souvent à cette idée d'Isabelle Miron selon qui, tout ce que l'on fait et tout ce que l'on dit, doit «apporter de l'eau au moulin de la réflexion». Tout un défi de discerner, dans le geste et dans la parole, l'utile du superflu. Je pense que cela ne doit pourtant pas nous empêcher de prendre la parole ou de poser des gestes, mais que c'est la mise en commun des expériences et des idées qui nous permettra, avec du recul, de discerner ce qui est superflu de ce qui ne l'est pas.
Rita L. irwin, «A/r/tography» in Lisa M. Given (dir. pub.), The SAGE Encyclopedia of Qualitative Research Methods, Thousand Oaks, SAGE Publications, 2008.