Publié le 09/23/2016 - 23:18
Image : un iPhone fatigué dans l'aube d'une brousse
Aujourd'hui je suis passée près du Aquin je suis surtout passée près du passé. Le passé qui étrangement habitait tellement le présent. Ça m'arrive souvent ces strates de temps. Toutes prises ensemble dans un cube d'espace. C'est mes yeux mon coeur : ils serrent les moments comme des Indiens dans le métro de Delhi, les emboitent comme les poupées-russes que j'ai jamais collectionnées.
J'étais occupée à inventer.
Aujourd'hui une table nous a voyagés dans l'hiver d'il y a deux ans. Nous trois dans un froid février d'avant de quitter. On s'était courriellés on s'était Facebookés on avait attendu longtemps on avait pas eu le temps, le temps qu'on a tellement eu une fois partis. Cette journée-là on avait parlé avec une femme qui nous avait expliqué le Burkina en avance. Isaac avait dit : je fais confiance à votre expérience mais ce serait une bonne idée d'un peu se préparer. Alors on avait rencontré cette femme qui avait vécu le rouge des routes l'impossible chaleur et les mamans du monde. Ses mains bougeaient dans l'air ses mots volaient partout autour, tombaient sur les chaises vides à côté s'enroulaient dans les barreaux libres. Ses mots d'Afrique ses yeux vivants sa voix en montagnes russes - nous pénétraient. Elle avait parlé de Confort et de Denis. D'Havila, de la Margouillat. Elle nous a dit la vieille mobylette et la Folie de l'Art de l'ami Anol. Mais c'est juste après qu'on a compris le poulet iniatique rencontré le jardinier qui apprenait l'awélé et l'enfant qui appelait les mangues par leurs prénoms. C'est après qu'on a tout vécu, dans ce moment on recevait les prémisses. À coeurs tellement candides. On savait encore rien de la douleureuse beauté burkinabée. Et nos sourires grandissaient toujours. On a quitté l'Aquin avec les lèvres jusqu'aux oreilles, on voyageait déjà.
Aujourd'hui après un faux feu on a choisi un nouveau lieu sur le fly un espace où se rassembler à nouveau. Avant d'entrer dans le petit café mes yeux se sont assis à cette table. L'ont reprise comme un livre qu'on avait laissé. L'ont enveloppé de l'amour dont on parlerait bientôt. Se sont accrochés à tout ce qu'il y avait d'accrochable. Le bois retroussé le poteau les barreaux. J'étais là-bas ici avec toi, en moi.
Après notre débroussaillage de voyages d'images et de recherche d'éclats, j'ai repassé la table du présent-passé et suis rentrée à la maison en écrivant à voix haute dans mon coeur. Je suis tombée sur un poème africain. Il se tenait au seuil du retour, tout mou d'être si plein. Il disait notre dernier matin à Koudougou je l'avais appelé :
On venait de parler de départ j'avais pensé aux continuels recommencements. On avait parlé de siècles d'horreur. J'ai nommé ma quête de lumière. Qui je crois accepte : la douleur de cette beauté.
Et devant cette table où je vivais aujourd'hui le passé où les trois moments de retour et de reprise se sont chevauchés, une colonne d'école disait : les choses vivent.