Staccato

Auteur·e du carnet: 

Je vous remercie de m’avoir laissée venir ici. Je vous le promets, ça en vaudra la peine. Je ne sais pas ce que je cherche, mais je m’avance. Mes bottes défoncent la neige et ma jambe s’enfonce momentanément, la glace me blesse les tibias. J’ai les jambes bleues et je marche. J’ai les jambes comme des échardes. Je marche mal. J’ai oublié comment marcher. J’entends mes propres pas comme les pas de milles hommes, je me retourne, mais il n’y a jamais personne derrière moi.

Je viens ici avec l’esprit vide. Je viens ici en croyant qu’on ne pourra pas me sauver. Mon corps est une cire trop molle. Je persiste. Je viens ici. Comme si c’était assez. On ne sait pas. On ne peut pas savoir.

Je cherche. Je ne sais pas ce que je vais trouver. Je cherche avec le cœur ouvert et le cœur vide et blanc et vierge. Je suis un tableau. Je suis un champ de lavande morte. Alors j’attends d’être plantée, j’attends qu’on me plante quelque part. Entre deux bouleaux ou dans le cours de la crique glacée ou sur le bord de la route avec le pouce en l’air pour aller ailleurs. Je ne sais pas où je vais.

J’ai les yeux ouverts.