Enracinement, anthropocène et Lego disparates

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Source de  l'image : Flickr, libre de droits, récupérée le 16 novembre 2016 au : https://www.flickr.com/photos/eilonwy77/7229389076

"L'alternative est claire : creuser ou surplomber, approfondir ou s'envoler. Sinon les deux réunis, dans un va-et-vient sur l'axe vertical du lieu qu'on fouille, au centre, dans l'ici-bas, originaire et tellurique, et de l'espace qui s'ouvre, indéfini, là-haut, eschatologique et cosmique : "C'est à force de pénétrer à l'intérieur de toi que tu rejaillis à l'extérieur, purifié à tes sources les plus secrètes, et prêt à subir l'orage de tout ce qui est hors de toi, étranger à ton microcosme1 ". 2

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Voyager, à mes yeux, c'est s'enfoncer,descendre en soi, creuser non pas pour se terrer, se cacher dans les profondeurs de l'être et son obscurité, mais pour transgresser, traverser, franchir cet isolement, cette solitude de l'homme contemporain qui vit trop souvent déraciné [peut-être est-ce pour cela que la terre se dérobe sous ses pieds] à la fois détaché de soi, de l'autre, du lieu précis qu'il prétend habiter et du monde plus large qui le porte, et doucement l'emporte.

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Anthropocène : "Nouvelle ère géologique résultante des actions anthropiques de l’Homme sur l’environnement mondial : perte de biodiversité, changement climatique, érosion des sols, …" 3

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L'Homme ne se ressent plus lui-même. Il ne s'enfonce plus, il évolue en surface.

Comment se surprendre alors qu'il ne ressente plus le monde ? Qu'il se promène sans toucher [et l'être en retour] au coeur de l'existence ? Qu'il ne perçoit plus le sol fertile sous les trottoirs de ciment, la boue grouillante de micro-organismes sous le stationnement, la nappe phréatique sous le boulevard.

Effrayé, il n'est plus "prêt à subir l'orage" 4. Et si c'était pourtant de cela dont il avait besoin ? Une onde de choc ? Un coup de froid ? Les os trempés ? Le corps parsemés de frissons ? Et s'il avait besoin d'être secoué, de trembler ? 

Trembler jusqu'au coeur, 

secouer, secouer encore

jusqu'au point de bascule, 

jusqu'au déséquilibre

retourner au sol

se retrouver

en mille morceaux

comme un tas de petits Légo disparates

à reconstruire.