Couchsurfing

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Faire du couchsurfing est une expérience de voyage en soi. J’en ai fait beaucoup à l’étranger, et depuis deux ans je reçois des voyageurs chez moi. Accueillir des gens sur la route, les faire visiter ces lieux que je côtois fréquemment, marcher sur ces rues qui marquent mon quotidien et leur faire découvrir la beauté d’une ville que je prends pour acquise. Chaque marche à leur côté me permet de la revoir à travers leurs yeux. Leurs regards éblouis ont tous une manière différente de percevoir ce qui est projeté. La fascination devant le street art Montréalais, la diversité de la scène musicale et l’accessibilité à toutes sortent de nourritures, ainsi que les incessants festivals qui cadencent l’été, et les installations qui décorent les rues, me rappelle comme ma ville est belle et que j’y suis bien.

Demeurer au même endroit pour longtemps nous fait oublier cet endroit. On y est physiquement, mais on ne le voit plus. Il ne nous surprend plus. On est saturé par tout ce qui nous est offert. On pense à l’ailleurs, partir, découvrir autre chose. Se sortir de ce quotidien, car on le connaît. Il est devenu routinier. La ville est acquise. On recherche toujours plus. Mais finalement, tout est ici, tout est en soi. Nous sommes tous des passagers sur la terre et le réel voyage est celui que l’on fait lorsqu’on profite véritablement du moment présent. Qu’on s’attarde sur ce qui nous entoure, se laisser éblouir. Lorsqu’on est en voyage, on prend le temps. On prend des clichés, on s’arrête pour regarder. Si on le faisait toujours, en dépit de notre routine, nous réaliserions que notre réel voyage est celui sur cette terre. Et que même si nous sommes aveuglés par nos habitudes, chaque endroit, chaque ville, chaque personne, a toujours quelque chose à nous faire découvrir. Encore et toujours. Car le lieu du voyage se tient dans l’esprit, la manière dont on le vit et l’expérience qu’on en tire.

J’ai hébergé des gens de partout, Corée du Sud, Afrique du Sud, Écosse, etc. Chacun a une perception différente de la réalité à laquelle il est exposé. Certaines choses surprennent et d’autres non. Certains préfèrent aller au Vieux Port pour prendre des photos de l’église Notre-Dame et d’autres recherchent l’expérience moins touristique et plutôt underground que permet la proximité avec des locaux. Avoir un jeune qui vient de l’Inde et ne souhaite que se promener dans tous les parcs de la ville, ou une Coréenne qui me demande « vous avez le droit d’aller à l’école avec ces tatouages?», ou encore un français qui a tout vendu ce qu’il avait de matériel et porte sur son dos tout ce qu’il possède dans la vie, est pour moi une manière de voyager, en restant chez soi. Tous ces étrangers ne le sont plus, puisqu’ils pénètrent mon univers et me permettent de connaître le leur. Ils deviennent connus. Et parfois, on ne se voit qu’une seule journée, dans cette vie. Nos chemins se croisent à cet unique moment et puis les parcours se séparent. Chacun reprend sa route. Mais cet échange, même dans sa courte durée, apporte quelque chose. À mon être, et à celui de la personne en face de moi. Les deux partis tirent quelque chose du fait que nos routes se sont croisées. Il y a autant de manières de vivres que de gens dans ce monde.

Les voyageurs me permettent de revoir ma propre ville à chaque fois que je me fais guide de leur visite. Ainsi, le couchsurfing est une des expériences de voyage des plus enrichissantes que j’ai eu la chance de vivre. Je suis ouverte à recevoir des gens de partout, sans égard pour leur âge, leur sexe ou le but de leur expédition. Ce que je sais c’est simplement que pour un instant, pendant notre échange, j'aurai été réellement dans le présent. Ils m'auront permis de m’arrêter pour regarder ce que je ne voyais plus.