Avant qu'il ne soit trop tard...

Auteur·e du carnet: 

J'y vais... J'y vais pas... J'y vais... J'y vais pas...

(sifflement du train)

Merde, merde, merde.... Ok j'y vais !

Ouf! C'était tout juste. J'ai bien failli le manquer celui-ci. Il y a toujours ce moment d'hésitation avant de faire le grand saut, ce "qu'est-ce que je fous là? " qui remet tout en question. Mais n'est-ce pas l'essence même du voyage? Sortir de sa zone de confort, s'affranchir des contraintes et des routines, s'interroger sur ses principes de vie. C'est un peu comme écrire finalement. Ou bien est-ce l'écriture qui est un voyage intérieur? Écrire, c'est partir à la découverte de soi. Parce que quoi qu'en disent les écrivains - qu'ils soient chevronnés ou en herbe - l'écriture implique toujours de livrer une part de soi. Parfois subtile coloration, parfois motif principal d'un texte, la personnalité de l'écrivain teinte toutes ses productions. Écrire, c'est aussi surmonter de nombreux obstacles, à commencer par la fameuse "page blanche" qui hante même les plus prolifiques parmi des jongleurs de mots. Écrire, c'est hésiter, s'arrêter, recommencer, visiter de nouveaux horizons aussi larges que variés à l'aide de différents moyens de "transport". Poète, romancier, novelliste, diariste, chansonnier, journaliste et plus récemment blogueurs, twitteurs... Tous ont leur propre moyen d'expression et leurs méthodes pour s'aventurer un peu plus loin dans leur voyage intérieur. Quant à moi, j'ai bien mon moyen de "transport" favori, mais j'aime élargir mon horizon (tiens, encore un point commun avec le voyage !) et essayer de nouveaux supports. Alors pourquoi pas un récit de voyage pour raconter, pour me raconter?

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Deuxième arrêt.

Dois-je les compter? Je suis encore beaucoup trop dans ce pocessus familier du contrôle. Je suis au courant de ce qui se passe autour de moi, je "maîtrise" tout ce qui m'entoure. Ce rassurant confort m'empêche-t-il d'avancer? A en croire l'étymologie du mot expérience (du latin experior : faire l'épreuve de, se mesurer, risquer), c'est une évidence. Où est le risque si je maîtrise tout? Comment me mesurer à quelque chose (ou quelqu'un) si je ne le fais que lorsque les conditions me sont favorables?

Je prend le temps de voyager avec ces questions et s'impose (encore) à moi l'image d'une vie à travers un électroencéphalogramme. Ne pas s'exposer au risque, c'est risquer de voir sa vie se réduire à une ligne droite, sans soubresauts. Mais ça, ce n'est pas une vie. Se jeter dans le vide, expérimenter, c'est donner du relief à l'électroencéphalo de la vie. C'est se mettre en danger pour mieux apprécier notre quotidien.

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Jour 10694

Retour en arrière. Un rembobinage de cinq ans environ. Retour à une période de doute, une période creuse, une période de navigation en pilote automatique.

A cette époque, mon quotidien n'était pas franchement rock'n roll. Le beau projet qui m'avait entousiasmé pendant l'année précédente, qui m'avait incité à quitter (je croyais) définitivement mon statut d'étudiant pour enfin faire ce qui me plaisait vraiment, avait vu ses chances d'aboutir réduites en cendres par les froides réponses des banquiers. Crise oblige, l'argent devait être investi avec soin et mon rêve et moi n'avions pas la gueule de l'emploi. "Trop jeune !" ou son synonyme plus pragmatique "pas assez d'expérience !" Des réponses à peine soufflées entre les dents serrées d'un sourire Colgate qui ne masquait aucunement une frilosité maladive et un scepticisme certain vis-à-vis de la nouveauté.

Le coup était bas et m'avait envoyé dans les cordes, d'où je subissais ma vie depuis. Perdu dans un emploi dont les perspectives d'avenur me laissaient froid, dépourvu de nouveaux projets pouvant amener une énergie nouvelle et dépourvu de l'énergie nécessaire pour en monter d'autres, je m'enracinais de plus en plus dans une routine étouffante qui m'empêchait de me relever et de repartir à l'assaut. Et pour noircir un peu plus le tout, la moitié de mes amis avait pris le bord et filé pour croquer la vie à pleine dents au Canada. C'est précisément de là qu'est venue la lumière.

De nombreuses fois, mes amis expatriés m'avaient encouragé à les rejoindre de l'autre côté de l'Atlantique. "Tu vas voir, tu vas kiffer!" ou encore "Montréal est faite pour toi!" Les appels du pied étaient nombreux mais n'avaient pas encore réussi à me convaincre tout à fait. Il a fallu cette petite phrase d'un ami cher. Une phrase qui m'était très familière puisque j'aimais la répéter bien que ma situation semblait loin de correspondre à son essence. "Carpe Diem !"

J'étais reparti.

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Il y a des voyages. Des longs, des courts, des loin, des proches, des bons des étranges, des marquants, des plates, des qu’on prévoit, des qui nous tombent dessus, des réels, des abstrait. Celui que je pratique souvent et qui chaque fois m’emporte vers une destination différente, c’est le voyage en souvenirs.

Prenez un lieu, n’importe lequel, du moment qu’il vous a marqué un peu. Mais ça peut aussi être une musique, une odeur, une saveur (Proust ne dira pas le contraire). Prenez donc ce déclencheur, patientez quelques temps (mois, années, décennies), puis activez-le. Laissez-vous imprégner par toutes les émotions qui surgissent. Surtout ne luttez pas. Ressentez attentivement. Le voyage commence.

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